On
connaît tous un jour nos souffrances personnelles :
déceptions, privations, frustrations, maladies
physiques, malchances, accidents plus ou moins graves,
revers d’argent, deuils, et que sais-je encore. C’est
pourquoi, lorsqu’on entend parler de la souffrance des
autres, on a la conviction d’être en terrain connu.
As-tu remarqué ton attitude lorsqu’un ami te parle de sa
souffrance ? Tu es porté inconsciemment à la comparer à
celle que tu as toi-même connue et il t’arrive même
d’exprimer tout haut cette similitude entre lui et toi.
Un peu comme si le fait de lui dire que tu as déjà
écrasé ta voiture contre un arbre allait réparer la
sienne qui vient de se faire emboutir par un camion !
Et
que dire de ces fameuses visites au salon funéraire ou
devant le chagrin des autres, on ne trouve d’autre
attitude que de s’informer « comment c’est arrivé »
ou encore de déclarer que le défunt à l’air « naturel
» ! Certains, plus relevés, vont affirmer devant la
souffrance qu’ils vont « prier pour toi » ou qu’ils
auront une « pensée positive » à ton égard. Mais ces
paroles, si nobles qu’elles soient, ne réussissent pas
vraiment à apaiser la souffrance. Le problème, c’est
peut-être que tu n’as jamais connu la souffrance, la
vraie, celle qui t’arrache les tripes au point de te
donner l’envie de te jeter en bas d’un pont pour ne plus
la sentir te coller à la peau; cette souffrance physique
ou morale (peut-être la pire) qui te hante jusque dans
tes nuits cauchemardesques et ne te laisse nulle autre
issue possible que la dés-espérance, justement parce que
tu sens que tu ne t’en sortiras pas.
Si
un jour tu la connais cette vraie souffrance, celle qui
te brise moralement ou physiquement, alors tu auras
vraiment appris comment accueillir celle de l’autre pour
une présence silencieuse. C’est la plus
chaleureuse marque de respect et le réconfort le plus
salutaire que tu puisses manifester. Et peut-être
qu’alors ton ami découvrira en toi le vrai visage du
Christ et qu’il te soufflera à l’oreille : « Je sais que
tu es là … »